
Je le dis souvent à mes participantes en atelier d'écriture : la peur fait partie de l'expérience.
La peur (d'échouer, de se lancer, d'être critiquée...) est au moins aussi présente que votre passion, votre envie d'écrire. Elle vous accompagne quand vous commencez et quand vous finissez, et chaque fois que vous doutez. Peut-être même qu'elle est assise à côté de vous quand vous vous asseyez pour écrire cette scène que vous redoutez.
Au point qu'on se demande si elle ne serait pas simplement l'autre face de la créativité, l'envers de l'écriture.
Laisser de la place à la peur, c'est accepter pleinement ces deux facettes.
La peur sera SOUVENT là, autant l'accepter tout de suite. Quand vous démarrerez un nouveau manuscrit, quand vous commencerez à l'écrire, quand vous le publierez, quand vous ferez votre premier salon, quand vous aurez vos premiers avis de lectrices, et même quand vous-même le relirez, vous craindrez sûrement de le trouver mauvais.
Mais je vais vous dire une chose : l'envie d'écrire, votre créativité, elle, sera TOUJOURS là. À chaque instant où vous penserez à votre histoire, chaque fois que vous en créerez une nouvelle.
Moi-même, je n'en ai pas fini avec elle. Même Stephen King, Bernard Weiber ou Franck Thilliez doutent et ont peur.
La peur est nécessaire dans la vie, mais superflue en écriture. Mais ça ne l'empêchera pas de se pointer de temps en temps, car elle fait partie de vous. Elle fait partie de l'expérience.
En revanche, accepter sa présence ne veut pas dire que vous devez la laisser faire.
L'autrice américaine Élisabeth Gilbert disait dans une conférence qu'elle laissait de la place à sa peur. Beaucoup de place. Plutôt que de la combattre férocement et d'aller contre une force qui demeure aussi présente, elle tente de l'apprivoiser et de la faire cohabiter avec sa volonté de création.
Mais quand elle commence un nouveau roman, elle fait ce qu'elle appelle une virée en bagnole : elle, sa créativité, et sa peur partent toutes les trois dans l'écriture. Mais jamais, jamais elle ne laisse la peur prendre le volant. Celle-ci est installée sur le siège arrière, où elle peut parler et dire tout ce qui lui chante en étant entendue, mais sans jamais avoir le droit de décider de l'itinéraire.
C'est, je trouve, une métaphore très saine du rapport qu'un artiste devrait avoir avec sa peur. L'écouter, c'est s'écouter soi-même : entendez cette partie de vous qui flippe d'échouer, et rassurez-la, mais gardez le plaisir d'écrire sur le siège avant de la voiture, tout près de vous, car c'est lui qui vous guidera en dépit de tout.
Personnellement, je m'astreins une consigne lorsque je me sens submergée : je ne prends aucune décision importante concernant mon manuscrit, mes ateliers (bref, Démiurge tout entière) tant que je suis dans cet état.
Je note ce qui ne va pas, j'en parle éventuellement à un proche, mais surtout, je prends une pause le temps de faire le clair. Alors seulement je reviens vers mon histoire et je décide ce que j'en fais.
N'essayez pas de combattre à tout prix votre peur : elle parle vrai, elle énonce vos craintes les plus farfelues, mais bien souvent, celles-ci sont superflues et rien ne se passe aussi terriblement qu'on l'a pensé. Mais pour ça, il faut vous faire confiance. Faire confiance à cette partie de vous qui veut écrire à tout prix, et y prendre plaisir.
Et c'est tout.
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