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Une nouvelle façon (controversée) de sélectionner les manuscrits

Article écrit en février 2023.


Comme vous étiez plusieurs à vouloir mon retour sur le petit événement qui fait parler en ce moment, j'ai décidé d'en faire un billet : les éditions Robert Laffont ouvrent leurs soumissions de manuscrits pour leur collection de romans young adult (adolescent) Collection R. Les soumissions de manuscrits sont réservées aux premiers romans. Et ils ont une façon bien à eux de sélectionner les nouveaux manuscrits qui les intéressent...


Surprise (!) les manuscrits ne seront pas le seul critère de sélection. Il faut aussi joindre une vidéo TikTok où l'autrice pitche (présente) son manuscrit. Le comité de sélection des manuscrits sont des booktubeuses.


Non content d'avoir écrit son premier roman, il faudrait donc aussi s'improviser sur booktok.


Pour être tout à fait transparente, faisons le point sur ma position : je ne suis pas sur TikTok pour plein de raisons, notamment parce que je n'aime pas la mentalité derrière le réseau. Ça n'est pas le type de contenu que je me plais à créer, même si je connais des autrices et des maisons d'édition que j'apprécie qui y sont. Je ne suis donc peut-être pas la plus objective sur la question de TikTok.


Néanmoins, cet appel à texte véhicule une idée qui, en tant que professionnelle, me hérisse.


Dans les faits : oui, un auteur doit savoir pitcher son roman (présenter l'histoire en quelques mots pour donner envie de le lire), et je suis la première concernée puisque en tant qu'indépendante j'assume ma com' entièrement seule. C'est une compétence que je suis obligée d'avoir. En revanche, nous parlons d'édition traditionnelle : dans le contrat, la maison d'édition est en charge de toute la communication autour du livre, même si l'autrice est encouragée à relayer les infos sur ses réseaux.


Et puis il y a cette imposition du réseau. On ne parle pas d'un format vidéo qu'on peut envoyer sur n'importe quelle plateforme, mais d'un tiktok à envoyer sur TikTok.


Alors oui, ça n'est qu'un pitch. Pour le moment.


Ce que la ME veut sans doute vérifier en demandant ça, c'est : 1) que l'auteur peut assumer seul sa promo et 2) que la communauté (soit de potentiels lecteurs, donc acheteurs) est déjà suffisamment nombreuse et impliquée pour acheter le livre avant même qu'il ne soit sorti.


De plus en plus, des romans "phénomène TikTok" sont édités par de grandes maisons et présentés comme le nouveau Graal. Jusque là, ça ne posait pas plus de problèmes (et chacun porte son avis là-dessus). Ce qui est problématique, c'est que ce soit un critère de sélection.


Ce qui m'embête, c'est qu'on a vu plusieurs romans marcher au buzz, au remue ménage, et c'est le rapport auteur-maison-lecteur qui s'en retrouve flingué. Un auteur, c'est avant-tout un PARTENAIRE de travail. Un livre, c'est la collaboration entre son autrice et la maison d'édition qui lui donne corps.


Pas un concours d'abonnés sur booktok.


Beaucoup de personnes, autrices comme lecteurs, se sont indignées de cette nouvelle méthode de sélection. Ce que ça révèle, je trouve, c'est surtout à quel point le monde de l'édition traditionnelle change.


Bon. Loin de moi l'idée de vous vouloir décourager si vous êtes intéressés ! Seulement, si vous envisagez de participer à cet appel à textes, restez prudents. Une maison qui donne pour critère de savoir assurer sa com' ne fera peut-être pas tous les efforts nécessaires pour porter votre manuscrit, surtout pour le même pourcentage de droits d'auteur.


Si vous êtes à l'aise avec l'idée du pitch vidéo, tant mieux ! Vous arriverez d'autant plus à parler de votre livre en public lors de salons ou en dédicaces.


Oui, la qualité est subjective, et heureusement. Un livre peut être adoré et détesté par deux lectrices différentes, et c'est tant mieux. Le fait est que depuis 2 ou 3 ans, les ME sont face à une grande quantité de manuscrits de qualité, mais qu'ils ne peuvent pas tous publier. Alors d'autres critères entrent en compte, pour Collection R, en tout cas.


Les "phénomènes Booktok" et autres romans publiés par des influenceuses Instagram ou YouTube existaient déjà, mais jusque là aucune maison d'édition ne l'avait revendiqué comme un critère de sélection.


Oui, quelqu'un avec une grosse communauté fait prendre moins de risque à la maison car beaucoup de personnes sont intéressées par son travail. Mais quel est l'intérêt, à ce moment-là, de s'embêter à chercher une ME s'il faut faire le travail d'un auteur indépendant, au final ?


Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet, ni incriminer qui que ce soit. Bien-sûr, ça ne veut pas dire que la maison d'édition fera mal son travail avec l'auteur sélectionné. Seulement, la couleur annoncée peut inquiéter, je trouve, quant à ce qu'on va exiger de l'autrice par la suite.


Je suis curieuse d'avoir vos retours, lectrices, autrices, éditrices, à ce sujet. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que ça vous hérisse aussi ou pas du tout ?


Vu la popularité du réseau TikTok et les rumeurs d'El Dorado de la vente de livres qui circulent en ce moment, cet appel à textes n'est pas réellement étonnant, mais souligne bien que le monde de l'édition traditionnelle est en train de changer profondément... Et pas pour le mieux, selon moi !



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