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DRAMATURGIE

J'étais encore étudiante en Lettres lorsque j'ai entendu parler d'une notion fondamentale en écriture fictionnelle, et celle-ci avait alors révolutionné ma façon de concevoir une histoire.

16 juin 2023

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Une bonne histoire

 

Avez-vous déjà lu un roman ennuyeux ? Le genre qui vous fait vous dire qu'il ne se passe rien,  nom de Zeus, et que c'est foutrement énervant. Vous levez les yeux au ciel, et vous poursuivez votre lecture à grands renforts de soupirs.

Si vous avez la sensation qu'il ne se passe rien ou que ça n'est pas intéressant, c'est sans doute que l'histoire manque d'un élément crucial : du conflit, ou du moins ses enjeux. Le moteur de l'action, en somme.

En dramaturgie (discipline qui vise à transformer une histoire en un récit construit avec des personnages) on considère le conflit comme la base d'une bonne histoire. C'est un outil, un élément technique de l'écriture de livres mais aussi de scénarios, de films et de pièces de théâtre, utilisé dans TOUTES les histoires.

 

Du conflit, du conflit et du conflit

 

Dans une interview des Artisans de la Fiction, en 2018, l'essayiste Yves Lavandier répondait à la question « Qu'est-ce qu'une bonne histoire ? » par :  Du conflit, du conflit et du conflit.

Pourquoi s'en tenir seulement à cette notion ? En quoi ce simple concept compose t-il la fondation totale d'une histoire qu'on ait envie de suivre ?

Tout simplement parce qu'elle regroupe les fondamentaux d'une intrigue : un personnage qui cherche à atteindre un objectif rencontre des obstacles... ce qui crée du conflit et des enjeux.

Conflit dynamique & conflit statique

Quand on entend le mot « conflit » on pense très souvent à une scène d’action, de combat ou de dispute, par exemple. Tout simplement parce que ce sont des scènes qu’on voit très souvent au cinéma comme vectrices d’enjeux, où la tension est palpable et où l’issue est incertaine.

 

Mais le conflit peut aussi être intériorisé sans pour autant être dans la surenchère ou la dramatisation : une personne analphabète qui ne sait ni lire ni écrire vivra un conflit intériorisé chaque fois qu’il s’agira de lire une liste de course ou de noter un nom en urgence, chaque fois qu’elle passera devant une vitrine ou une rue sans pouvoir se fier aux repères écrits. Ce type de conflit est très puissant, même s’il n’est pas montré à grand renforts de cris et de poings : il met directement l’obstacle au premier plan et confronte le personnage de façon intense. Peut-être plus encore en écriture romanesque, où le lecteur peut accéder au ressenti profond et direct d'un personnage.

 

Pour vous donner un exemple concret d’application, dans mon roman La Ville des damnés, le personnage de Galais vit en permanence un conflit statique : il voudrait exprimer ses sentiments pour Mimi, mais ne trouve jamais les mots pour lui avouer. Résultat : il ne dit toujours qu’à-demi les choses, et rien ne sort comme il voudrait. Sa frustration est donc immense, mais son seul obstacle, c’est lui-même. Son conflit dynamique, quant à lui, réside dans le fait qu'il doit protéger son clan (et qu'il galère à le faire).

Conflit en perspective

Nous sommes en 1950. Deux mamans discutent autour d'une table en sirotant du thé. La scène n'a rien de conflictuel, n'est-ce pas ? Ce sont juste deux amies qui se racontent des anecdotes. Bon.

 

Si maintenant, je vous dis que Josh, le fils d'une des femmes, est caché sous la table en se retenant de rire, et que les deux adultes l'ignorent.Il y a déjà un peu plus d'enjeux : qu'est-ce qu'il va se passer si l'enfant se fait remarquer ?

Il y a alors une perspective de conflit : les personnages n'en vivent pas, mais le lecteur oui.

C'est par exemple le cas dans Les Royaumes du Nord de Philip Pullman, lorsque Lyra se cache dans une armoire pour écouter un Conseil privé. C'est tout simplement de l'ironie dramatique : donner au lecteur une information que les personnages n'ont pas.

Pour revenir sur mon exemple : on peut aussi rebondir et le transformer en autre chose.

Josh parvient à respirer doucement et à ne pas bouger entre les pieds des adultes, et les deux femmes continuent de parler. La tension retombe.

Mais la conversation prend petit à petit un autre tournant : la maman de Josh confie à son amie que son mari n'est pas le père de son fils. Qu'elle l'a eu avec un autre homme, un certain militaire allemand pendant la guerre.

Josh plaque sa main devant sa bouche pour ne pas se faire entendre et retient ses larmes à grande peine.

Le conflit devient statique, intériorisé pour Josh qui doit encaisser le choc de la double révélation (son père n'est pas son père + c'est peut-être un Nazi) tout en ne se faisant pas remarquer... mais la tension est grande du côté du lecteur, qui a de l'empathie pour Josh en plus du reste.

On se retrouve dans deux semaines pour un prochain article.

En attendant, bonne écriture !

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